Coopération Inter-Haïtienne pour le Développement par Paul Dejean

Haïti Économique Magazine

  • COOPÉRATION INTER-HAÏTIENNE POUR LE DÉVELOPPEMENT D’HAÏTI
  • Par Paul Dejean, Ministre des Haïtiens Vivants à l’Etranger.  
  • essai 1.1997, VOL. 1, NO 1

Nous possédons, à l’étranger, des ressources humaines dans tous les champs de compétence. Tous ces frères se considèrent comme des Haïtiens, puisqu’ils le sont de naissance. Les plus récentes évaluations soutiennent qu’environ un million et trois cents milles Haïtiens vivent à l’étranger, parmi eux nous avons beaucoup d’entrepreneurs et d’industriels. Ceci représente un atout majeur pour lequel plusieurs pays nous envient. D’ailleurs plusieurs de nos compatriotes de l’intérieur dépendent de ces ressources.

Aujourd’hui plus que jamais Haïti a besoin de ses fils et de ses filles qui vivent à l’étranger. Le besoin est urgent, car nous rentrons dans une phase de restructuration économique et certains leviers doivent être maîtrisés.

Qui aura le contrôle ?

Certains acquis ne peuvent plus être conservés, faute de financement et parfois, par manque de techniciens et d’ingénieurs qualifiés. Nous ne pouvons plus fermer les yeux et vivre au passé, c’est à dire: espérer de l’aide étrangère. Notre devons préserver notre identité de peuple libre. À l’aube de l’an deux mille, l’économie mène le monde par le bout du nez et nous en sommes conscients. Il nous faut la coopération Inter-Haïtienne pour relever le défi.

Haïti représente un carrefour d’échanges commerciaux et culturels pour le bassin des Caraïbes et de l’Amérique Centrale. La moyenne et la petite (industries), peuvent constituer une force motrice de développement si elles sont exploitées adéquatement. Le marché local haïtien offre différentes possibilités. Plusieurs entreprises étrangères ont compris l’ouverture et saisissent l’occasion pour se positionner.

Nous savons aussi, que bon nombre de compatriotes perdent des sommes importantes dans le marché de l’immobilier à l’étranger, alors qu’ils rêvent de préparer le chemin du retour. Nous voyons là, une potentialité d’investissement qui reste inexplorée car leur capital serait très bien placé en Haïti. Ils contribueraient par la même occasion à la création d’emplois pour leurs frères qui vivent dans le pays. Ce serait aussi une contribution au relèvement de la fierté nationale qui ferait de l’effet sur leur communauté d’accueil à l’étranger. L’équation serait rentable pour eux et pour le pays.

Aujourd’hui, nous lançons l’appel à tous nos frères qui vivent à l’extérieur: Venez, constatez vous-même, le pays est prêt pour un nouveau départ. Il a besoin de vos investissements et de vos connaissances pour avancer. Maîtrisons notre économie et bâtissons notre avenir. Les occasions d’affaires ne manquent pas, c’est à vous de les exploiter. Ne laissez pas passer l’opportunité, alors qu’elle se présente à vous. Beaucoup de bras comptent sur vous pour travailler. La Coopération Inter-Haïtienne est possible. C’est dans cette optique que nous appuyons l’initiative de cette revue qui veut revaloriser le patrimoine haïtien, dans le but d’aider à la restructuration de l’économie haïtienne.

La Coopération Inter-Haïtienne n’est plus un projet, c’est une entreprise, une entreprise viable et rentable, le pays vous attend, il est vôtre.

Je vous salue au nom de cette coopération.

Haïti, un vent d’espoir…

Les recherches intensives pour une solution durable impressionnent. Tous les secteurs de la société sont sur les ‘’tables’’ de discussions. Les résultats sont timides mais significatifs. Les brèches à colmater sont nombreuses, cela retarde le développement réel.

Ma dernière visite en Haïti a été l’occasion de découvrir le pays sous des angles plutôt agréables. Les recherches de solutions nationales sont accompagnées d’efforts internationaux, car si le pays est situé dans un contexte géopolitique influent, il compte beaucoup d’atouts et de cartes en réserve. Actuellement, notre voisin de l’Est multiplie les démarches pour aboutir sur un pacte de fraternité avec nous. Les Dominicains découvrent un intérêt chez les Haïtiens qui font parti du bassin de la francophonie et de la convention de ‘’Lomé’’. Ces efforts de conciliation contribuent à améliorer la paix intérieur du pays et arrivent au moment où le pays développe une certaine attraction sur ses fils qui vivent en ‘’diaspora’’ – près de 1.3 millions -. Cette relation cordiale est d’autant plus avantageuse pour nos voisins qui ne possèdent pas les moyens d’héberger les flux migratoires causés trop souvent par notre instabilité.

La nouvelle conjoncture favorise le dégagement d’une atmosphère de sécurité qui se propage dans tous les coins du pays. Une nouvelle police nationale s’institutionnalise et évolue avec le temps pour offrir plus de sécurité, un facteur essentiel qui garantie les investissements, les initiatives d’industrialisation et l’arrivée des touristes: tous des éléments complémentaires pour une normalisation de l’économie du pays.

La stabilité du gouvernement a permis d’énormes progrès depuis neuf mois. La liberté d’expression semble détrôner la censure. Selon certains experts, le temps est favorable au développement de solides moyens de communication. Les média indépendants affluent – plus de 125 organes de presse -, le parlement revêt plus d’importance, le système judiciaire récupère un peu d’indépendance, les entrepreneurs privés osent de plus en plus. S’il reste beaucoup de chemin à parcourir, la turbulence politique s’estompe de plus en plus. Il appert que ces changements d’attitudes créent un mouvement d’entraînement chez les citoyens haïtiens de l’intérieur comme ceux de l’extérieur et les entreprises étrangères qui viennent s’y installer.

Actuellement, les Haïtiens semblent travailler, tous pour la paix. Le pas vers la négociation pour la paix n’est plus lointain. Car influencé par l’injection importante de nouveaux capitaux, la situation ne tardera pas à se décongestionner pour que tout le monde retourne au travail, ce qu’augurent certains économistes haïtiens.

Il existe encore une dichotomie entre certains secteurs de la société. Cependant, on peut présager que la nouvelle dynamique influencera les secteurs les plus ‘’sensibles’’. Car les années de turbulences ont démontré une chose: la solution passe par un pacte social durable. Pacte pour lequel travaillent des éducateurs comme Michel Soukar, un intellectuel haïtien qui utilise tous les moyens de communication pour informer et mieux orienter les intéressés de la nouvelle ère démocratique. Monsieur Soukar fait parti de ceux qui ont choisi le chemin retour, dans le but d’aider. Et, ils sont nombreux.

Aujourd’hui, la tragédie commence à laisser la place à l’amélioration économique; un vent d’espoir qui souffle sur Haïti.

Haïti Economique Magazine

P.12-13/essai I 1997, VOL I No. I Haïti Économique Magazine

Dominicanie et Haïti: une rencontre historique

Le 13 mars 1996, les Présidents des deux Républiques respectives avaient signé un protocole d’entente qui leur permettrait d’étudier conjointement différents dossiers comme le commerce, la culture, l’éducation, les questions migratoires frontalières, les sports etc. Une Commission mixte Haïtiano-Dominicaine a été mise sur pied pour assurer le suivi du dossier.

Le 18 septembre dernier, une première réunion a eu lieu à Port-au-Prince. Les principaux responsables ont établi un mécanisme de fonctionnement dans le but de faciliter les échanges.

Les thèmes suivants occupaient l’ordre du jour:

  • Commerce et investissement.
  • Tourisme.
  • Agriculture et environnement.
  • Culture, Éducation, Jeunesse et Sports.
  • Questions migratoires et frontalières.
  • Projets conjoints de développement.

Au début de ce mois-ci, les deux Présidents se sont rencontrés encore à Miami avec une délégation d’industriels et le Comité Technique Inter-Institutionnel haïtiano-dominicain reconnaît, parmi les 5 points du procès verbal, «l’intérêt manifeste du Gouvernement haïtien dans la mise en place de programmes dans le cadre de la coopération multilatérale afin d’arriver à la rétention des populations potentiellement migrantes et à la réinsertion des Haïtiens venant de la République Dominicaine»

Les 12 et 13 décembres dernier, la Commission Mixte s’est réunie à Santo Domingo dans le but d’approfondir les questions discutées. Nous reproduisons ici une liste partielle des points proposés par les deux parties.

Partie haïtienne (partielle)

  • l’ouverture de nouveaux postes frontaliers entre Elias Pinas/Belladères, Anse-à-Pitre/Pedernales.
  • supprimer l’obligation du visa d’entrée et de la carte touristique.
  • entreprendre la régularisation du statut des travailleurs haïtiens selon les catégories différenciées.
  • la mise en place de mesures visant à protéger les droits des femmes haïtiennes vivant en République Dominicaine.

Partie Dominicaine (partielle)

  • la protection sociale en matière de travail et d’hygiène pour les femmes dominicaines migrantes travaillant en Haïti.
  • l’amélioration du travail des autorités frontalières haïtiennes pour endiguer le flux de l’immigration illégale vers la République Dominicaine.
  • la nécessité pour les Haïtiens, de restreindre l’émigration des familles entières qui accompagnent les ouvriers agricoles temporaires en République Dominicaine

Selon le Ministères des Haïtiens vivant à l’étranger qui a préparé cette dernière rencontre, nous sommes sur la bonne voie, après neuf mois, le dossier progresse et les négociations nous sont favorables. Aujourd’hui, les relations sont bonnes et notre stabilité nous permet de nourrir beaucoup d’espoirs pour que les choses changent. Les résultats ne sont pas spectaculaires, mais les décisions ne sont pas émotives.

Les deux peuples finiront-ils par traverser les barrières politiques ?

C’est un souhait que nous formulons de tout cœur !

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