TD : «le Liban n’est pas une Nation, encore moins, un pays…» par Dan Albertini

DIPLOMATIE INTERNATIONALE & SOCIÉTÉ

  • LES DESSOUS DE JUPITER À BAALBEK
  • TD : «le Liban n’est pas une Nation, encore moins, un pays…» par Dan Albertini
  • Sans (), j’ai lu la lettre de Tarek Daher au président du Liban, et voilà la suite.

ENTREVUE

DA – Tarek Daher, vous vous affichez comme celui qui a une façon particulière de voir les choses qui vont souvent à contre-courant :

  • Quelles sont les choses qui, dans le cadre actuel du Liban, vont à contre-courant ?
  • Et, quel en serait le bon courant qui rassemble une majorité confortable de Libanais pour le bien-être dans le sens d’une patrie d’abord d’après vous ?
  • D’une Nation, ensuite ?

TD – Le Liban n’est pas une Nation, encore moins, un pays. Il ne l’a jamais été et ne pourra l’être s’il perdure dans la politique qu’il mène depuis l’accession à sa soi-disant indépendance.

Le Liban est un ensemble de communautés qui vivent en autarcie, et qui ne voient pas le Liban comme UN pays, mais ils le voient comme un ensemble de petits pays.

  • Il n’y a pas de partis ou de mouvements aujourd’hui au Liban qui pensent réellement à ce pays. Pas un et personne ne pourra le contredire, d’ailleurs les évènements de ces 30 dernières années le prouvent encore plus.
  • Le Liban n’est ni une patrie et encore moins une nation.

DA – Vous dites aussi accepter que vos idées ou pensées ne soient pas nécessairement vraies, mais que vous n’acceptez pas ce que l’on veut vous imposer.

TD – Bien sûr, mes idées peuvent ne pas être approuvées par bon nombre de personnes. Pour la simple raison que je refuse de me voir au sein de l’une ou de l’autre de ces communautés, car préférant me retrouver auprès d’une communauté qui aujourd’hui est difficile à reconnaître, la communauté qui refuse toute communauté.

  • Tant que je ne suis pas membre d’un quelconque de ces partis, on ne peut m’imposer. Donc j’ai encore une liberté de penser.

DA – Alors, un État libanais à votre sens, devrait-il être religieux, et, lequel alors : si militaire, pourquoi ; si laïc et civil, pourquoi ;  si associé, à qui ?

TD – Un état LAÏC cela est sûr, ou la religion ne gère pas le quotidien des concitoyens. Une vraie division entre la religion et le civil.

Mais ce que je voudrais le plus c’est un état laïc basé sur nos valeurs, sur notre histoire. Je refuse de faire du copier-coller d’un État laïc type occidental. À nous de voir de quelle laïcité on veut adhérer.

  • Aux gens de ce pays de savoir quel type d’État laïc leur conviendrait le mieux. À eux d’adapter un système qui leur sied.

DA – Conséquemment, quel est le pire scénario que vous prévoyez aujourd’hui, qui affecterait gravement la pensée libanaise que vous chérissez ?

TD – Une guerre civile qui nous ramènerait à l’âge de la pierre.

DA – Dans une communication, vous dites que « le Liban est un pays qui a été créé de toute pièce».

  • Doit-on comprendre que vous parlez de la formule d’indépendance de 1943, puisque l’expression «les cèdres du Liban» est bien plus que millénaire, mais hautement symbolique dans l’histoire de ce monde connu ?

TD – Le Liban a été créé pour donner aux derniers chrétiens d’orient un endroit où vivre. La France l’a créé de toutes pièces. Le système libanais confessionnel en est la preuve toute crachée. Aujourd’hui, ces chrétiens d’Orient sont devenus minoritaires et le système ne peut plus fonctionner comme par le passé. D’où, il faut un vrai État LAÏC non pas basé sur des confessions, mais basé sur une identité nationale autour duquel la population pourra se retrouver. Ce pays a besoin d’un État de droit.

DA – Qu’est-ce qui a donc été perdu et dans ce cas, quand et pourquoi ?

TD – Je dirais que n’a-t-on gagné depuis notre fameuse indépendance rien du tout, sinon un État virtuel sur lequel beaucoup ont voulu y croire vraiment, mais en fait qui n’a jamais été un État, ni une nation et encore moins une patrie.

DA – Vous seriez aujourd’hui chef d’État ou chef de gouvernement, cela prendrait combien de temps pour réaliser vos plans, ou de démissionner en cas d’échec ?

TD – Moi je ne pourrai être ni l’un ni l’autre, vu que ma confession m’empêche d’être l’un et l’autre. Mais pour répondre à votre question. Nous avons les ressources humaines nécessaires, nous avons les moyens financiers nécessaires, il faut la volonté d’un peuple pour le faire. On n’a pas un peuple, on a des peuples, on n’a pas une pensée, on a des pensées, on n’a pas un Liban, on a des Liban.

  • 5 ans suffiront à mettre sur pied un système cohérent, il faut une ou plusieurs générations pour qu’elles y adhèrent.
  • On n’est pas sorti de l’auberge ��

DA – Une question hasardeuse, le territoire libanais s’il doit exister comme dans vos pensées, est-il amovible ou d’une position ancestrale comme on le voit de plus en plus avec l’État hébreu qui s’affirme ?

  • Les Israéliens sont-ils vos alliés d’ailleurs, ou, vos adversaires depuis la guerre de 2008 ?

TD – La guerre s’est passée en 2006. Les Israéliens ne sont pas nos alliés, c’est par la loi, un occupant et un ennemi il est strictement interdit de coopérer avec eux.

Je considère que l’État d’Israël est un État fondé par la communauté occidentale qui n’a aucun droit juridique viable. Ce droit a été créé de toute pièce.

  • Le Liban à des frontières internationales reconnues par la communauté internationale, l’occupation israélienne a bafoué, ce depuis 1948.
  • L’ONU a participé activement à créer le problème qui est aujourd’hui quasi insoluble.
  • L’occupation israélienne au risque de vous étonner est toujours présente au Liban, je ne parle pas uniquement des fermes de Chebbaa qui sont en soi un gros problème, je parle des 7 villages annexés par l’occupation depuis 1956, et, qui sont toujours sous occupation, et dont personne ne parle à ce jour à part les Libanais du Sud.
  • Le Liban que je reconnais a une superficie de 10452 km2 reconnus internationalement, je ne permettrai à personne de renier cette superficie.

DA – En outre, quel pays serait les plus rapprochés des Libanais dans votre conception, dans sa façon de faire ou dans sa façon d’être ?

  • Pourquoi ?

TD – À mon humble avis, aucun pays de la région ne ressemble au Liban de par sa composition.

DA – Pourquoi d’après vous, le Liban ferait l’objet d’un besoin de domination ou de convoitise, chez les autres Nations de ce pacte international ?

  • De ce fait, quelle Nation ou quel peuple, serait-il votre pire ennemi ou un mauvais allié si c’est plus approprié ?

TD – On est frontalier avec l’État d’occupation israélienne. On a du pétrole qui risque de faire trembler les pays du golfe. On a par-dessus tout, beaucoup d’eau qui est une composante importante dans les conflits régionaux du Moyen-Orient.

  • Le Liban est un pays comme je l’ai dit créé de toute pièce et joue un rôle de caisse à résonance pour la région. Tout problème régional se règle au Liban.
  • Chaque parti libanais a un sponsor, et chaque sponsor a une vision politique différente, et veut l’appliquer, le Libanais lui-même doit simplement accepter sans plus.

DA – Pensez-vous à un lien de cause à effet, donc votre influence, ou, effet du hasard, donc prévoyance de votre part ?

  • Alors, qu’est-ce qui attend le Liban, le Libanais, le président, la société…, formulez-le pour nous.

TD – Restons humble je ne crois pas que ma lettre ait eu un quelconque effet, et encore moins un pouvoir à amener une personne nommée pour former un gouvernement à se désister pour ce que j’ai écrit.

  • Tout ce que je peux vous dire, aucune personne nommée ne peut former un gouvernement sans un aval extérieur.
  • Saad Hariri a été nommé il y a 9 mois pour former un gouvernement, l’Arabie Saoudite ne le veut pas, par conséquent il ne pourra jamais former un gouvernement.
  • Le gouvernement ne peut être formé qu’avec l’aval de l’Arabie Saoudite, donc des USA et avec l’aval de l’Iran et de la Syrie donc Russe. Si ces composantes ne sont pas d’accord, jamais on n’aura de gouvernement. 
  • Donc, on peut rester des mois sans gouvernement, tout comme on peut former un gouvernement en-dedans de 48 heures, tout dépend des accords extérieurs, on n’est pas encore là, ça prendra du temps. Le temps, c’est les négociations iraniennes et américaines, sur le nucléaire, tant que ce n’est pas réglé il est difficile de former ce gouvernement.

DA – Votre lettre ouverte soutenait en même temps, propose, mais d’un courage que le président ne semble pas endosser. D’où viendra la voix qui sait se faire entendre ?

TD – Difficile d’avoir une voix de l’intérieur. Le Liban est trop divisé en communauté pour qu’une voix de l’intérieur puisse endosser le costume de Leader. Il faudrait que la population du Liban fasse preuve d’un très grand civisme et d'un patriotisme pour que celle-ci puisse entendre la voix d’un chef qui pourrait sortir le Liban de sa léthargie. Pour être franc, a-t-on une personne de la sorte aujourd’hui, ma réponse est NON. Pas une qui pense au Liban, mais à des desseins qui sont loin de bâtir une patrie.

DA – Je termine par ceci : Il y a des Libanais un peu partout à travers le monde, et dans certains pays, ils sont : soit chef d’État, soit chef de gouvernement, soit grand commerçant ingénieux…. qu’est-ce qui ne fonctionne pas quand il s’agit des hommes de cette origine et de leur terroir ?

  • Le Libanais de naissance ou d’origine qui vit ailleurs, est-il un colon, un expatrié, un envahisseur, un fugitif, un désespéré, un oiseau migrateur, un lâche qui a fui ?

TD – On est divisé en communauté, on ne parle que comme cela et suivons en général ce que dit le chef de la communauté, ÇA NE PEUT PAS MARCHER PAS ICI.

DA – Que pensez-vous du Hezbollah ?

  • Si j’osais en poursuivant la question ; utile ou nuisible, sauriez-vous répondre en considérant votre affirmation en soutenant votre caractère franc et direct avec des idées bien arrêtées ?

TD – Le Hizbollah a été créé dans les années 1980 pour combattre l’occupation du Sud-Liban par Israël. Il est pour moi un mouvement de résistance qui a le droit de combattre toute occupation, d’où sa légalité n’est pas à discuter.

  • Le Hizbollah durant toutes les années d’occupation l’a combattu et c’est grâce à lui en grande partie que le Sud-Liban a été libéré. Mais, il ne faut surtout pas oublier aussi les autres partis tels que le parti communiste ou le parti Baas Syrien le mouvement Amal… .
  • Pour moi, il est utile pour le Liban tant qu’il reste à combattre l’occupant. Je ne pense pas qu’il doive aller au-delà. Il doit combattre uniquement au Liban. Pas ailleurs. Même si je comprends le pourquoi de sa lutte en dehors du pays/
  • Il faut reconnaître que les Israéliens ont toujours pensé qu’ils pouvaient faire ce qu’ils voulaient au Sud-Liban. Aujourd’hui et grâce en partie au Hizbollah, au rôle de la résistance les Israéliens penseront plus d’une fois avant d’aller en guerre.
  • La prochaine guerre, si elle a lieu, ne se passera pas uniquement au Liban, mais aussi sur le territoire occupé de la Palestine, je veux dire à l’intérieur des terres de la Palestine occupée, chose d’impensable il y quelques années.

DA – Chef de gouvernement, qu’auriez-vous fait aujourd’hui en faveur de tous les Libanais ?

  • Président alors, qu’est-ce que vous auriez toléré, et ce que vous auriez réprimé ?

TD –

  1. Juger et emprisonner tous les leaders politiques qui ont participé à la destruction de ce pays.
  2. Récupérer tout l’argent volé par ces leaders
  3. Demander à la diaspora libanaise de participer activement à rebâtir ce pays. Ils ont les moyens.
  4. Que le Liban devienne un pays neutre.
  5. Une nouvelle constitution qui ne sera absolument pas basée sur le confessionnel.
  6. Bâtir une identité libanaise, on doit la bâtir dans nos écoles publiques, on doit bannir tout discours confessionnel.
  7. Bâtir un patriotisme libanais
  8. Un Liban uni, autour d’un ensemble de personnalités soucieux de porter haut ce pays.
  9. Un Liban fort capable de défendre sa patrie. Il est impératif de pouvoir défendre son sol à toute hégémonie extérieure quelle qu’elle soit !
  10. Un Liban fort de sa culture et de son histoire

DA – Si vous n’êtes pas l’homme de la situation, puisque non intéressé à un leadership national, qui serait en ce moment à la hauteur, d’après vous ?

TD – Un seul pour moi, a la carrure et le charisme, mais impossible pour lui d’être à la tête de ce pays : Sayyed Hassan Nasrallah mais lui aujourd’hui, ne peut endosser cette responsabilité, le Liban en pâtira encore plus..

Merci !

À ce Liban, à ce rêve

Il est de ceux qui se battent pour un idéal et qui sacrifient leurs vies.

Il est de ceux, pour qui leur terre est sacrée

Il est de ceux pour qui le pays est synonyme de symbole, d’identité, de valeurs.

Il est de ceux, qui nourrissent pendant toute une vie, un espoir

À ce Liban auquel je rêve, à ce Liban auquel j’aspire

Je ne suis ni maronite, ni sunnite, ni druze, ni orthodoxe, ni arménien, encore moins chiite, je suis ce Liban, ce Libanais auquel je rêve

Je voudrais par ces mots simples tenter de l’imaginer,

Je voudrais par des mots simples, connus de tous, de ceux qui chérissent ce pays.

Tenter de coucher sur ce bout de papier, tenter non pas de me convaincre, pas même de convaincre, juste tenter de faire imaginer ce Liban dont je rêve.

Ce Liban je ne le conçois pas, je ne l’imagine qu’en une seule et unique entité.

Ou le Nord, le Sud, l’Est et l’Ouest forment un corps et un seul ce LIBAN.

Ce Liban, je ne peux le concevoir que multiconfessionnel, où chaque individu, chaque être, formant cette entité en est partie intégrante.

Chaque individu est libre de ses mouvements, chaque individu est libre de ses choix politiques.

Libre de ses croyances. Cette liberté ne peut être, ne peut se faire que si chaque individu respecte les règles, les lois qui sont établies. Ces règles, ces lois ne doivent en aucun cas appartenir à un individu, mais à l’ensemble de la communauté sans aucune distinction, sans aucune discrimination, ni de race ni de religion. Ces règles ne peuvent en aucun cas servir les intérêts des uns et des autres.

Ces règles seront établies en toute équité, en toute impartialité, où une grande majorité devra y adhérer. Ces règles, ces lois comme je les imagine seront faites par des hommes, des femmes intègres où seul compterait le bien-être de la communauté.

Ce Liban je l’imagine avec le respect de ses traditions, avec le respect de ses valeurs.

Ce Liban je l’imagine, tout uni en se battant pour le même idéal, pour les mêmes éthiques, sans tenir compte des discours de ces prétendus responsables qui ont mené ce pays vers le chaos.

Je ne conçois pas ce Liban avec ceux qui suivent ces hommes, ces politiciens qui nous proposent monts et merveilles, mais qui en réalité, ne pensent qu’à eux, qu’à leurs intérêts.

Oui, je suis profondément ce Libanais

Ce Liban je le conçois avec des hommes et des femmes qui analysent les choses sans aucun préjugé, qui pointent le doigt lorsque ceci est nécessaire, qui se soulève silencieusement, de marcher vers ceux qui essaient de nous tromper afin de les dénoncer, de leur dire que nous refusons.

Je refuse ce Liban où les hommes politiques héritent de leur père, ces sièges pour nous gouverner.

Je refuse ces hommes politiques qui s’imposent parce qu’ils font partie d’une telle ou telle famille.

NTD July 2013


ISSN 2564-1689 Réseau HEM