Démystifions la rédaction de mémoire pour les étudiants haïtiens par Pierre Enocque François

Démystifions la rédaction de mémoire pour les étudiants haïtiens par Pierre Enocque François

Aujourd’hui, nous voulons démystifier ensemble la rédaction de mémoire de licence et de maitrise. Je dis « démystifier » puisque le mémoire reste un mythe pour les étudiants haïtiens qui après quatre années d’études, semblent avoir du mal à produire et soutenir leur mémoire. Pour comprendre tout cela, il faut comprendre le contexte de l’enseignement supérieur en Haïti.

Quel est le contexte? Dans l’enseignement supérieur en Haïti, pour avoir la licence, il faut passer quatre ans à l’Université. Que vous soyez en droit, en éducation, en gestion, en économie, en sociologie, etc., il faut passer quatre ans d’études. Et ces quatre ans d’études sont sanctionnés par une licence, mais l’obtention de cette licence est conditionnée par la rédaction et la soutenance d’un mémoire à la fin du cycle. Tandis que, dans les universités, le cours pratique de méthodologie de recherche fait grandement défaut. Le cours de méthodologie se fait généralement de manière très théorique et que l’étudiant travaille pour avoir des notes pour réussir ce cours. Mais, il n’y a aucun lien avec le travail de terrain, le travail de mémoire que l’étudiant aura à faire. Comme il n’y a aucun lien étant donné que le cours reste très théorique, l’étudiant, après ces quatre années, n’est pas en mesure de rédiger son mémoire. La mise en place d’un dispositif d’accompagnement des étudiants pour pouvoir écrire le mémoire, aurait complété le cours théorique de méthodologie et aurait facilité la rédaction de mémoire. Du coup, les étudiants, après les quatre ans, ne peuvent pas vraiment produire le mémoire.

Dans cette dynamique, beaucoup d’étudiants haïtiens restent un « éternel étudiant finissant » puisque, après les quatre années sans accompagnement d’ailleurs et avec un cours de méthodologie qui se fait de manière très théorique, l’étudiant qui va demander une attestation recevra de l’Université une attestation avec mention « étudiant finissant ». Après deux ans ou trois ans, l’étudiant qui va encore demander une attestation recevra encore une fois l’attestation avec mention « étudiant finissant ». C’est toujours une attestation d’« étudiant finissant » que l’étudiant aura quelle que soit la durée parce que le cycle d’études n’est pas totalement bouclé étant donné que le cycle d’études exige un mémoire, ça prend un mémoire!

Et, quelles sont les conséquences? L’étudiant, qu’il soit en droit, en gestion, en éducation, en économie, en sociologie, en psychologie, quelle que soit sa discipline, qui souhaite continuer pour faire une maitrise pour aller plus loin dans sa formation, il ne peut pas s’inscrire à une autre université parce qu’il n’a pas la licence. C’est la licence qui confirme que le cycle d’études est terminé, que le cycle est bouclé. Il ne peut pas avancer pour poursuivre sa formation.

Au niveau professionnel, il est nécessaire de poursuivre sa formation. Même lorsque l’individu cherche un travail, très souvent, dans les offres d’emploi, l’institution exige majoritairement une licence ou un Master. Alors qu’il n’a ni licence ni master. Parfois, le recruteur exige la licence, avec mention « licencié en droit », licencié en éducation » ou « licencié en gestion », cependant, compte tenu de l’importance des demandes d’emploi, il va avoir des individus qui ont un diplôme de master, qui vont postuler même si l’institution demande une licence. L’étudiant finissant qui n’a pas la licence après ses quatre années d’études ne sera pas retenu même pour l’entretien. Même s’il soumet son dossier, il ne sera pas retenu puisque l’on veut que l’étudiant soit licencié dans son domaine. Comme il n’est pas licencié, son dossier ne sera pas retenu même pour l’entretien pour prouver ses compétences.

La licence exigée pour l’emploi en question est parfois très importante, car l’individu, en tant que professionnel sera dans la situation de produire des rapports. Celui qui n’a pas rédigé et soutenu son mémoire aura du mal à produire un rapport de qualité, car il n’a pas su développer cette capacité de production, d’analyse et de synthèse. L’étudiant est donc disqualifié et n’est pas

retenu pour le poste. En effet, en rédigeant et en soutenant le mémoire, l’individu développe la capacité de prendre la parole en public, de défendre un point de vue, d’argument parce que le mémoire lui donne cette capacité. L’étudiant qui n’a pas soutenu le mémoire n’a pas cette capacité d’argumentation.

Même pour sa carrière professionnelle, avec la licence, une fois avoir le poste, l’individu va facilement promouvoir d’un poste à l’autre, par rapport aux compétences développées. Et même pour la satisfaction de soi-même, pour la confiance en soi, lorsque l’étudiant soutient son travail, il aura beaucoup plus de confiance en lui-même, beaucoup plus de satisfaction, beaucoup plus de mérite.

Ainsi, je mets en place un dispositif d’accompagnement des étudiants à la rédaction de mémoire. Que l’étudiant soit en licence ou en master, l’objectif de cet atelier est de démystifier le mémoire. Et, exactement, le mémoire commence à être démystifié avec un premier groupe d’étudiants finissants. La démarche est à la fois coopérative et maïeutique.

« Coopérative » parce que, l’étudiant après avoir émis ses idées, les autres étudiants du groupe pourraient l’aider à trouver des textes, des articles ou des livres, ils pourraient même donner des conseils par rapport à son travail pour mieux avancer, donc, dans ce sens-là, la démarche est « coopérative ».

En même temps, la démarche est « maïeutique » parce que l’étudiant vient avec une idée et, à partir des idées émises, je vais pousser l’étudiant à accoucher d’autres idées de manière plus profonde. Et ce sont avec les différentes idées que l’étudiant a accouché que je vais l’aider à aller plus loin.

Dans cette dynamique, la démarche est « maïeutique » dans le sens de Socrate, car c’est à partir des idées émises que l’étudiant sera conseillé pour aller plus loin. Avec l’accouchement de ses idées, l’étudiant arrive avec une idée de mémoire qui est transformée en objet d’étude, l’objet d’étude une fois clarifié, l’étudiant aura à préparer une page de réflexion. L’accompagnement fourni à l’étudiant lui permettra de transformer cette page de réflexion en 5 pages, puis en 10 pages et en 15 pages, jusqu’à ce que l’étudiant prenne son envol, jusqu’à ce qu’il prenne sa vitesse de croisière pour qu’il puisse avancer avec la rédaction de mémoire. Ainsi, le mémoire se démystifie progressivement.

Au cours des dix dernières séances d’accompagnement, on a eu des résultats très satisfaisants. Au cours de cette première session de dix séances, certains étudiants ont déjà fini avec le premier chapitre et commencent le deuxième chapitre. D’autres sont en train de relire ou de corriger le premier chapitre.

À la deuxième session, les étudiants vont avancer avec les deux prochains chapitres. C’est très intéressant!

À long terme, l’objectif c’est que beaucoup d’étudiants puissent soutenir leur mémoire et arrêter d’être un « éternel étudiant finissant ».

Donc, ces ateliers sont mis en place. Ce sont des sessions de 10 séances et chaque séance dure trois heures. Tout se fait à distance, que vous soyez en Haïti ou à l’étranger. En Haïti, comme au Cap-Haïtien, à Jacmel, aux Cayes, à Jérémie; ou encore aux États-Unis, au Canada, en France, etc. vous pourrez avancer avec la rédaction de votre mémoire.

Vous qui ne voulez pas être des étudiants finissants de manière éternelle, je vous propose ces ateliers. Participez à ces ateliers pour que vous puissiez avancer avec votre carrière. La vulgarisation de cette initiative permet une centaine de participants de plus puissent soutenir leur mémoire à la fin de l’année 2021 et ainsi, arrêter d’être un « éternel étudiant finissant ». MERCI/voir Vidéo